Chapitre 4: bataille d’eau en salle de science


Je m’étonnerai toujours de l’attitude de mes élèves. Vous connaissez tous le fameux dicton, «quand le chat n’est pas là, les souris dansent»? Dans le milieu de l’éducation, il a une autre appellation. Je le traduirai par «quand le prof a le dos tourné, les élèves en profitent pour chahuter». Maintenant, j’imagine que vous vous demandez tous ce que peuvent inventer des élèves, en salle de science, lorsque leur chère et dévouée enseignante tente d’expliquer quelques activités à certains de leurs camarades.

L’anecdote du jour concerne Kévyn, cher Kévyn que vous commencez, j’espère, à apprécier. Mais aujourd’hui, il n’est pas seul. Son camarade Malcom l’accompagne. Pour vous le décrire en quelques mots, il n’est pas le dernier à amuser la galerie. Il n’est pas le premier, certes, mais c’est un suiveur. Quand une bêtise se présente, Malcom saute souvent sur l’occasion. Le travail scolaire étant des plus ennuyant, il faut bien rire de temps en temps. Aussi, quoi de mieux qu’une salle de science? L’opportunité parfaite pour jouer un nouveau tour et recevoir les applaudissements de toute la classe.

Mon histoire a lieu une matinée comme toutes les autres. Cours d’anglais un mercredi matin. Oui dans une salle de science. Les autres sont prises et je me retrouve à faire cours dans celle de mes collègues. J’ai l’habitude. De toute façon, n’ayant aucune pièce dédiée à « l’art anglophone », je me déplace sans arrêt. Une fois au premier étage, une fois au deuxième, une aux ateliers, une dernière en maths/science. Vous le remarquez, je suis MOBILE. Je voyage, je plie bagage.

Le début de la séance se passe sans encombre aucun. Rapide rappel de la leçon étudiée la semaine passée, explication des objectifs et des activités du jour. Les élèves se lancent dans les exercices. Attendez, je vois des mains se lever, on m’appelle. J’arrive au secours. On me pose une question, je réponds. Où est l’erreur? Je ne suis pas restée au bureau. Je suis allée auprès des élèves. J’ai osé, quelques secondes, tourner le dos aux autres. Le moment que Malcom et Kévyn choisissent pour passer à l’action et exécuter leur plan diabolique. Quelques secondes seulement. Tandis que je m’occupe de quelques-uns, j’entends soudainement des rires et de l’agitation parmi les autres. Je me retourne. Je surprends les deux diablotins complètement mouillés. Près du lavabo, à l’aide d’une blouse dérobée dans le placard au fond de la pièce, Malcom tente d’essuyer tant bien que mal la flaque d’eau qui inonde son cahier. Je le réprimande. Il me dit, naturellement et spontanément:

« C’est pas moi, c’est Kévyn».

Mon regard se porte sur le fils du malin en personne. Les yeux espiègles, il arbore un sourire qui se veut innocent. Face à l’accusation de son complice, il rétorque:

«C’est pas moi, c’est Malcom».

Bonjour le ping-pong, chacun se renvoie la balle. Les deux troubles faits doivent être forts à ce jeu-là. Moi, dans tout cela, je suis, je suis quoi… désespérée? Amusée? Désespérée? Éberluée? Bonne question. Malcom et Kévyn viennent d’organiser une bataille d’eau. Évidemment, placé à côté du robinet, comment ne pas résister?

« Vous me préparerez tous les deux un exposé pour lundi prochain?Si prochaine fois il y a , vous aurez une heure de retenue.»

-Mais c’est pas moi… C’est Kévyn/Malcom!» clament-ils en choeur.

Je ne veux pas savoir. Je coupe fin à toute conversation. La sonnerie retentit. Je m’étonnerai toujours du comportement de mes élèves. Quand on croit qu’ils mûrissent lors de leur passage au lycée au fur et à mesure que les années s’écoulent… Détrompez-vous ! Malcom et Kévyn sont en terminales!