chapitre 11: Allumez le feu


Petit sondage : quel outil indispensable peut-on trouver dans le cartable de mes chers élèves ? Lecteurs, à vos méninges !

Vous ne trouvez pas ? Je vous aide.

  • Un cahier,trop désuet ! Certains l’ont égaré, les autres les ont jetés et les derniers n’ont pas même pris la peine de l’acheter au tout début de l’année.
  • Une trousse, oui pour certains , non pour d’autres. Ils arrivent à s’en passer, des fois qu’on leur demanderait d’écrire des romans. Sachez-le dès à présent, ces chérubins détestent l’écriture.
  • Un téléphone, oubliez ! Ce n’est pas un outil, mais leur seconde main. Ils l’emportent avec eux, n’importe où, quoi qu’ils fassent. Oui, même aux toilettes. Je tiens cette information d’une collègue. Ce ne sont pas les conversations qui manquent en salle des professeurs. Je vous raconterai un autre jour, peut-être.

Vous donnez votre langue au chat ?

Un BRIQUET !

Tout à fait ! Vous avez une bonne vue. Vous avez bien lu. Un BRIQUET ! N’était-ce pas ce que vous aviez toujours sur vous, vous, à l’époque du collège et du lycée ? C’est pourtant un indispensable si j’en crois le nombre de fois où j’ai rencontré ce tout petit objet.

Je le retrouve chaque année. Chaque année, dans l’une de mes classes, un élève le sort. Pour l’allumer, pour rendre hommage, à qui je l’ignore, pour fumer et plus récemment pour brûler leurs lacets de chaussures. Ne posez pas de questions, je ne saurai pas l’expliquer moi-même.

Vous l’aurez deviné, Kévin est , bien entendu, dans le coup. Qui d’autre que lui oserait jouer les pyromanes ? À part Brendan, Bryan, Ryan,Logan, Maxime, Émilien, etc.J’allais omettre Loritz. Un nouveau gamin sur ma liste cette année. Pas méchant, mais pas scolaire non plus. Il ne fait rien. C’est dur de le faire bosser. Pourtant, il a des capacités le bougre. Cependant, je n’arrive rien à tirer de lui. Par contre, les conneries…Il adore me faire tourner en bourrique. Je pense qu’il a dû parier avec ses camarades. Enfin, revenons un peu à mes moutons. Je pourrais épiloguer tant et plus sur lui, une journée ne suffirait pas.

La nouvelle anecdote que je m’apprête à vous conter a eu lieu il y a de cela quinze jours. Peut-être plus. Un cours d’anglais normal. Une séance à peu près correcte. J’étais contente, car pour une fois, Kévin et Loritz avaient montré de la curiosité pour les activités proposées. Assez rare. J’interrogeai chaque élève à l’oral sur du vocabulaire. On étudiait les vêtements. Pour une fois, Kévin et Loritz participaient. Un vrai miracle. De courte durée, malheureusement. On parle de Kévin et de son ami Loritz. S’ils ne jouent pas un petit tour dans l’heure , c’est la fin du monde. J’interroge donc chaque élève quand soudain, j’aperçois quelque chose de jaune. Quelque chose de chaud. Quelque chose qui attire subitement mon regard, là, en dessous de la table des deux fripons. Une flamme. Kévin est penché, il ne suit plus du tout le cours et que vois-je dans sa main ? Un briquet ! Rien de plus normal. Qu’est-ce que Loritz vient faire dans toute cette histoire ? Il est tout simplement assis à côté du clown de service. Il est penché lui aussi et il murmure je ne sais trop quoi à l’attention de son camarade. Naturellement, j’interviens. Quand je vois une flamme pour moi rien de normal. Leur réponse ?

« C’était pour brûler mes lacets Madame.

_Pour brûler tes lacets ? Et c’est quoi ce liquide par terre ?On dirait du gel hydroalcoolique »

A ces mots, Loritz s’empresse de nettoyer les preuves.

«  Un liquide, quel liquide ? Mais non Madame.

_ J’vous jure Mdame, c’était pour brûler les bouts de mes lacets »

La fin de l’histoire, je l’ai exclu. Kévin seulement, puisque c’était lui qui tenait le briquet. Loritz aurait sans doute mérité l’exclusion de cours lui aussi, mais que pouvais-je dire dans le rapport d’incident à part qu’il était de connivence avec notre célèbre perturbateur ?


Et vous, comment auriez-vous réagi?