Chapitre 2: l’épi de maïs
Bonjour à tous et bienvenu pour une nouvelle anecdote de « Mon incroyable vie de prof ». Quatre ans que j’enseigne. Je pensais avoir vécu assez d’expériences pour faire face aux situations les plus improbables. Je me trompais et j’ai l’impression que je ne suis pas encore au bout de mes surprises. La dernière fois, je vous ai présenté l’élève Kévyn, le petit farceur de la classe, avec sa blague sur Sacha, le dresseur de pokemon. Aujourd’hui, je vous invite à faire la connaissance de Gabriel, un garçon calme et doux, souvent assis au dernier rang.
Il est sage Gabriel. Il ne bavarde pas, il ne lance pas de boulettes de papier, il ne rit pas ou peu aux bêtises que peuvent raconter certains camarades. Il ne cherche pas à attirer l’attention outre mesure, comme le fait Kévyn, notre clown de service. D’ailleurs, lorsqu’il le fait, c’est déjà arrivé, je suis bien incapable de dire s’il le fait volontairement ou non. Lorsqu’il le fait, je suis aussi incapable de réagir de façon tout à fait naturelle. Vous comprendrez pourquoi en lisant la suite de l’histoire.
Il ne demande rien à personne Gabriel. Pas même de l’aide, pas même à moi, à l’exception de quelques rares fois. Il lui arrive de temps en temps de lever la main pour m’appeler au secours. Il s’habitue peut-être au fur et à mesure que les jours passent. Il sait que je suis là pour l’accompagner dans ses apprentissages.
Il est gentil Gabriel mais Gabriel, il ne comprend rien ou peu de choses. C’est méchant d’avoir ce genre de paroles. J’ai horreur de tenir ce genre de propos. C’est pourtant l’impression qu’il nous a donnée en début d’année malheureusement. Pour vous expliquer la situation, depuis le premier jour de la rentrée, il rencontre des difficultés à suivre les cours. Souvent lorsque je passais pour vérifier s’il avait pris la correction, rien n’était noté et il répondait « Je n’ai pas compris, c’est compliqué». Vous comprendrez peut-être, chers lecteurs, mon incompréhension face au dilemme de Gabriel, quand il suffisait seulement de prendre la correction de l’activité projetée au tableau. Où était le problème? Je me suis tout de même remise en question. J’enseigne l’anglais. Peut-être qu’il ne pouvait pas prendre en note quelque chose qu’il ne comprenait pas? Toujours est-il que je me suis inquiétée quand j’ai su que son problème de compréhension s’étendait aux autres matières. Oui, il faut penser que Gabriel passera le baccalauréat dans deux ans, alors s’il est perdu dès le début d’année, dans toutes les matières, alors qu’on revoit de simples bases…
Finalement, les jours passent et Gabriel prend des notes. Finalement, les jours passent et Gabriel participe. Finalement, les jours passent et Gabriel n’est peut-être pas autant en difficulté que je le croyais. Finalement, Gabriel avait peut-être l’esprit encore en vacances les premiers jours de septembre. OUF! Soulagement.
Il est gentil Gabriel. Il est gentil, mais il lui arrive quelques fois d’attirer l’attention et quand Gabriel attire l’attention, il le fait bien. Il le fait si bien que j’en reste bouche bée!
Un jour, en plein cours d’anglais, Gabriel demande s’il peut me « montrer quelque chose ». Pourquoi ai-je soudainement une hésitation. De courte durée l’hésitation. Je réponds:
« Oui, j’arrive».
-A tout le monde?»Ajoute-t-il.
L’hésitation revient, s’empare de mon petit coeur. Je n’ose cependant lui refuser. Il est si gentil Gabriel. Forcément, je l’autorise à montrer ce « quelque chose » à toute la classe, espérant de toute mon âme qu’il ne s’agisse pas de « quelque chose » de malsain ou de trop « personnel ». J’ai l’esprit mal placé me direz-vous mais malgré ma courte carrière dans l’enseignement, j’ai suffisamment entendu d’anecdotes pour redouter le pire.
J’écrivais donc, je lui donne la permission de « montrer ce quelque chose » qu’il a à nous montrer.
Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’il sort de son sac à dos….
«Un épi de maïs!». Il est fier Gabriel, fier de son épi qu’il a cueilli je ne sais quand et qu’il a apporté en cours. Honnêtement, à ce moment précis, je suis abasourdi. Je ne sais que répondre à part:
– C’est bien. Tu vas le manger?
-Non. Il n’est pas bon à manger.
-Dommage. Tu vas l’utiliser pour la pêche?
-Je ne sais pas. Peut-être.»
Fin de la discussion. Gabriel range son épi. Je n’ai même pas pensé à leur apprendre le mot « maïs » en anglais. The English word for « maïs » is « corn ». Great!
Et vous, comment auriez-vous réagi?
25 septembre 2021 at 18h04
J’ai tellement l’habitude que les petits en maternelle et au primaire apportent des « quelques choses à montrer » que je rebondis tout de suite sur ces quelques choses pour aborder d’autres notions … mais je ne savais pas que certains gardaient cette habitude bien plus grand ! Je trouve ça très intéressant quand des élèves amènent des choses à eux dans la classe, cela veut dire qu’ils se sentent suffisamment en confiance pour le partager… je l’encourage toujours chez les petits surtout pour ceux qui ont du mal à communiquer avec les autres. Et puis les enfants retiennent mieux quand ça part de choses qui les touchent.
Merci pour tes anecdotes de prof !
Bon week-end
25 septembre 2021 at 21h04
J’ignorais aussi que certains élèves gardaient cette habitude à l’adolescence. J’avoue avoir été surprise sur le coup et je n’ai pas su comment réagir, sans doute parce qu’on attend plus ce genre de comportement de la part d’un enfant. C’était sans doute sa façon à lui de communiquer.
J’ai d’autres anecdotes à raconter, mes élèves m’en sortent presque chaque semaine.
Bonne soirée
26 septembre 2021 at 6h42
Ça ne m’étonne pas ! Les enfants sont des mines d’or de drôlerie parfois … je suivrai tes prochains articles avec plaisir !
25 septembre 2021 at 19h52
Très joli anecdote! I’m an English teacher too! Have a good week-end!
25 septembre 2021 at 21h09
Great, another English teacher.
Glad you liked it. Have a good weekend too.
26 septembre 2021 at 4h57
Ah ! Surtout surprenant, en plein cours comme cela et ne faisant pas apparemment parti du sujet c’est tout à fait surprenant. Il y a aussi la réaction des autres qui entre en ligne de compte. Dépendant de tout cela, difficile de dire comment j’aurais réagi. Merci pour cette autre anecdote très intéressante, Tatiana.
Bon dimanche 😘
26 septembre 2021 at 12h32
Les autres élèves ne s’attendaient pas non plus à ce qu’il sorte un épi de maïs. Ils ont néanmoins été sympathiques et n’ont fait aucun commentaire.
Bon dimanche également.